Grâce au merveilleux pouvoir du web, qui incite les institutions à se montrer au yeux et aux oreilles de la plèbe, j’ai pu visionner la conférence qu’a donnée Lise Bissonnette à l’Assemblée nationale le 6 avril dernier. C’est que les propos assez durs de l’ancienne directrice du journal Le Devoir à l’endroit des médias sociaux ont lubrifié les neurones de matante Nathalie Petrowski, qui a pondu un bien gros et bien bel oeuf que la « papesse de la communauté web au Québec » Michelle Blanc a tout au moins égratigné, alors que certains comme moi auront trouvé qu’elle en a cuisiné une omelette.
J’utilise le terme « matante » non pas en lien avec l’âge de la dame (il y a des matantes beaucoup plus jeunes que moi, qui suis au crépuscule de la trentaine — cela dit, il y a aussi des mononcles…), mais bien plutôt pour pointer son sens de l’analyse pantouflard. Question de synthétiser le plus succinctement possible le résultat, j’irai comme suit : ramassis approximatif de clichés qui se veulent un portrait réaliste, alors que c’est de la bien mauvaise caricature.
Mais vous remarquez que je joins le sobriquet à la deuxième et non à la première. C’est que Madame Bissonnette a au moins eu le mérite d’envelopper sa critique d’un contexte, qui est celui du journalisme politique et non seulement de sauter à pieds joints sur une occasion comme fait l’autre… Il reste qu’elle a quand même pêché par ignorance en tentant d’analyser le phénomène des médias sociaux, comme elle l’avoue, après seulement quelques visites sur des blogues corporatifs (qui sont somme toute bien différents des blogues citoyens, attirant une autre « clientèle » — et je doute fort d’une expérience directe de sa part sur Twitter et Facebook). Alors, je rectifie le tir : réduire un phénomène complexe à une expression comme « communauté de placoteux » tient aussi du matantisme. Et si je me permets d’user de ce terme hautement familier pour qualifier ces deux reines, chacune à leur manière, c’est pour bien marquer le contraste entre leurs très grandes intelligences et la qualité médiocre de leurs constats. Cela relève du mérite!
Non, mais! qu’est-ce qu’elles en ont contre la liberté d’expression si le web le permet facilement et instantanément? Je vais même jusqu’à penser qu’avec notre époque (à partir de la démocratisation des ordinateurs personnels) la liberté d’expression trouve son sens le plus juste (enfin, en occident…). Parce qu’il ne faut pas jouer à l’autruche, ce qui blesse leurs sensibilités, c’est que n’importe qui le désirant peut se servir du web comme porte-voix. Mais le problème des deux dames est qu’elles ne réussissent pas à contextualiser correctement la problématique. Personne n’a de fusil sur la tempe lors de son utilisation ni de sa consommation du web. Dans les médias traditionnels présents sur le net, les commentaires à la suite des articles et des billets ne sont surtout pas des agressions, au contraire, même si parfois les propos sont agressifs. La même chose pour ce qui se passe sur les blogues, Twitter et Facebook. Je le répète, on a toujours le choix de se pencher ou non sur quelque chose qui a été publié sur le web. Idem d’ailleurs pour ce qui est de la publication papier, et de toute autre diffusion. Nous sommes en royaume de liberté et c’est une grave erreur de tomber dans un dénigrement primitif de la sorte. Franchement, n’y a-t-il pas un problème d’échelle à voir simplement la possibilité de discussion que permettent les médias sociaux (et les médias traditionnels qui les imitent) comme une insulte à l’intelligence?
Même si les deux dames apportent de bonnes pistes de réflexion, je ne peux pas m’empêcher de voir leurs interventions comme étant un snobisme élitiste. D’un côté, elles semblent placer notre « placotage » sur un même pied d’égalité au niveau du poids médiatique que les oeuvres des journalistes patentés (à tort à mon avis — et c’est ce qui doit beaucoup titiller leur indignation!), et de l’autre elles nous réduisent visiblement à la plus inutile de nos parties, soit le troll, l’idiot du village virtuel. Non plus, je ne dis pas qu’il faille absolument décréter que la contribution des médias sociaux à la société est fabuleuse, extraordinaire, et prodigieuse pour être dans mes bonnes grâces, mais je demande quand même un peu du sens de la mesure, ce qui a cruellement manqué à Nathalie Petrowski, en particulier. Et c’est bien compréhensible : plus tu te considères en hauteur, plus ce qui se passe en bas t’apparaît comme un fourmillement sans grand intérêt.
Heureusement, les choses continueront d’évoluer même sans leur consentement et celui des autres matantes/mononcles. Qu’ils se cantonnent dans une dynamique de glorification du passé si ça leur chante, je n’irai pas jusqu’à vouloir leur enlever cette liberté!
(Photo : Bright Tal)
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Autres lectures à ce sujet :
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Mario tout de go – Communauté de placoteux (Ajout)
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Roch Courcy – Médias sociaux | Michelle Blanc versus Nathalie Petrowski